On s’y croise, on y cause, on y cogite...

mardi 27 novembre 2007

Enfer et bonnes intentions

Il y a quelques jours, le Conseil Constitutionnel a rendu son avis sur les statistiques « ethniques » : elles violeraient l’article 1 de la Constitution qui « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».
Je ne suis pas du tout d’accord avec cette décision, pour plusieurs raisons. Je pense même qu’elle est néfaste et peut – si on considère que le Conseil Constitutionnel représente l’Etat au sens large – avoir des effets négatifs sur les populations qu’elle cherche justement à protéger.

Ma première objection tient à la méthode employée pour recueillir ce type d’informations. En France, le recensement démographique s’effectue sur déclaration des citoyens, déclaration qu’ils remplissent volontairement et personne ne vient jamais vérifier qu’ils disent bien la vérité. En toute logique, puisque nous sommes dans une démocratie où ce genre décision est pris par des instances sous contrôle à la fois législatif et scientifique, on peut émettre l’hypothèse que personne ne serait forcé de remplir cette rubrique. Les origines ethniques des individus ne seraient donc prises en compte que dans la mesure où ceux-ci les renseigneraient lors de l’enquête. Pas de comptage ou d’identification sinistre sur des critères douteux ici, il s’agit d’une déclaration volontaire où chacun est libre de revendiquer ou non une origine personnelle.

Ce qui d’une certaine façon m’amène à ma seconde objection : elle concerne la définition de ce qu’est une étude statistique. Le Conseil Constitutionnel dans sa décision déclare : « si les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l'article 1er de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la race ». Pourtant, l’article premier de la Constitution parle « d’égalité devant la loi » : à ce que je sache, ça n’a rien à voir avec le fait de recueillir des informations sur la population française, à moins de considérer que le simple fait de poser une question à laquelle les gens sont libres de répondre ou non est en soi discriminatoire. Et dans ce cas, comme le suggère cet article de Telos, il va falloir sérieusement réfléchir à ce que l’on fait si innocemment.

Enfin et surtout, si l’on s’écarte des aspects techniques, c’est un débat qui tombe trop souvent dans l’idée que la France est le pays du droit du sol, où nous sommes tous français, égaux…et identiques ? En cachant le fait qu’une partie non négligeable de la population est venue d’ailleurs avant de devenir française, que ses ancêtres n’ont pas trinqué avec Astérix, le Conseil Constitutionnel n’œuvre-t-il pas contre son camp ? En refusant de savoir, on entretient les fantasmes, d’extrême droite ou autre, de masses innombrables venant nous envahir. Mais surtout, on refuse aux français d’avoir chacun une histoire, qui lui soit propre et qui se mêle à celle de son pays à un moment différent.

En définitive, je ne considère pas qu’il faille mettre ce type de statistique en place sans mélange. Mais pour moi le débat n’est pas de savoir s’il faut le faire, mais bien plutôt comment et selon quels critères. Par exemple, des statistiques ethniques ne me semblent pas convenir à l’histoire de la France et de son immigration, contrairement aux Etats-Unis, par exemple. Mais une déclaration évidemment volontaire d’origine nationale me paraîtrait utile pour mieux connaître les français et mieux montrer, aussi, que la France sait intégrer les individus sans nier leur histoire.

Aucun commentaire: